Séverine Rousseau

Je travaille à Vacances Bleues depuis vingt ans. Avant de devenir une entreprise notre activité était portée par une association, qui aidait les familles marseillaises à partir en vacances. Je pense que cette histoire sociale joue pour beaucoup dans la gestion actuelle de nos ressources humaines, plutôt avant-gardiste sur les aspects de responsabilité sociale,en tout cas sur la place de l’humain dans notre entreprise. L’association est d’ailleurs encore à ce jour aux commandes du groupe Vacances Bleues. Quand j’ai commencé à collaborer avec le PLIE en 2001, j’étais responsable de la formation et du recrutement au service RH.
C’est un de mes collègues qui m’a intéressée au parrainage.

Dans l’absolu, être en insertion c’est juste vouloir travailler sans accéder à l’emploi.

Quand on a la chance d’avoir un travail et d’être passionné par ce que l’on fait, je trouve ça intéressant de donner un peu d’énergie à accompagner des personnes qui ont des difficultés à se positionner sur le marché du travail. Ce que je n’avais pas prévu au départ c’est que j’apprendrais aussi beaucoup de ces actions, notamment pour ma pratique du recrutement et des ressources humaines. Pour tout vous dire, lorsqu’on a toujours travaillé on ne comprend pas très bien que des gens puissent avoir des difficultés avec les règles au travail. Là j’ai pris conscience que ça dépend beaucoup de l’éducation, au sens large, et de la connaissance du monde de l’entreprise, choses devant lesquelles nous ne sommes pas tous égaux. Là où on se dirait qu’une personne ne fera pas l’affaire parce qu’elle est arrivée en retard en entretien,nous avons appris à relativiser en considérant qu’il n’a pas compris l’importance d’arriver à l’heure. Alors, on fait un effort de pédagogie, en expliquant pourquoi c’est inadmissible dans une organisation technique. Cela ne veut pas dire que l’on va être complaisants, mais simplement tenter d’instaurer une meilleure compréhension réciproque, des problématiques de la personne et des contraintes de l’entreprise.

En général, les gens ont de fausses idées de ce qu’est une personne en difficulté ou en insertion. Dans un service RH on relativise ces questions, parce qu’on est habitué à travailler avec les difficultés des gens, ce genre de catégories toutes faites nous importe peu. D’autant que la frontière entre vie privée et vie professionnelle est de plus en plus poreuse.

Je pense que le point déterminant pour franchir la porte de l’entreprise favorablement lorsqu’on est « en insertion » c’est un accompagnement qui rende crédible la candidature. Je veux dire par là qu’il faut agir sur la transmission des normes de l’entreprises qui semblent « naturelles » pour certains : se préparer à un entretien, arriver à l’heure, regarder les gens quand on leur parle, savoir se présenter… En fait ce n’est pas naturel du tout, ce sont des choses apprises, souvent sans le savoir.

Accompagner, c’est intervenir en amont pour éviter l’échec.

S’il faut être plus pédagogue qu’avant, cela n’empêche pas l’exigence. Même si notre mentalité ou notre culture nous porte être attentifs à l’aspect humain, nous sommes malgré tout une entreprise qui produit des services pour une clientèle exigeante. L’échec avec un salarié a un coût, économique autant que social et commercial. Régulièrement, les managers doivent faire ce travail autour des savoirs-être, cela fait partie de leur mission, pour garantir tant la qualité de service que le bien-être des salariés. Cela ne concerne pas que les publics éloignés du marché de l’emploi, c’est plus généralement lié à l’évolution de l’attitude au travail.
Aujourd’hui, il faut expliquer les contraintes de l’entreprise et rapprocher cela de nos engagements qualité, pour ne pas laisser l’impression que tout cela est arbitraire.

Le fait de travailler avec le PLIE sur la préparation des salariés pour les entretiens et la préparation aux attentes de l’entreprise, c’est un moyen d’intervenir en amont, de façon préventive, sur cette attitude générale, sur la responsabilité de chacun. Parce que ce dont on discute pendant les simulations, ce sont les points susceptibles de freiner l’embauche des entreprises. Il ne s’agit pas de changer la face du monde, mais la préparation que l’on fait,c’est autant de difficultés que l’on s’évite par la suite : aller à la rencontre des publics éloignés de l’emploi, faire des partenariats avec des écoles, parler aux élèves de nos métiers, de ce qu’est une entreprise, ça représente du temps certes, mais du temps bien investi. Si toutes les entreprises faisaient ça, on améliorerait les problématiques de recrutement.

Notre démarche RSE était déjà engagée quand on a eu le label Empl’itude en 2010. On a travaillé autour des trois volets, social, économique et environnemental, ainsi que sur la communication et le suivi des salariés. Quand on est manager on pense souvent qu’à partir du moment où on a signé le contrat, c’est terminé, mais non. Depuis deux ans, dans le cadre de la RSE, on a formalisé des process de suivi de période d’essai qui permettent aux personnes d’avoir des rendez-vous réguliers et de progresser, d’être réellement accompagnées pour avoir toutes les chances de renverser la vapeur et d’arriver au bout.

Parce que si c’est concluant, c’est parfait pour tout le monde. Le label Empl’itude, c’était aussi pour valoriser toutes ces démarches qui sont naturelles chez Vacances Bleue : accueillir régulièrement des stagiaires par exemple, leur donner de vraies missions, un vrai suivi, les accompagner dans leurs mémoires et aller aux soutenances, réviser leur travail, prendre des apprentis, des personnes en alternance… Je pense que c’est fidélisant pour une entreprise d’avoir ce type de démarche, tant du côté des clients que des salariés.