Cécile Poujol

Mon métier, c’est navigatrice en solitaire. En 2005 j’ai créé une société, Route du Large, avec 65 associés tous co-propriétaires d’un bateau que nous exploitons ensemble. J’ai aussi une association, Fifrelin, créée en 2003, qui a pour objectif de faire des projets pédagogiques et éducatifs autour de la mer. Être navigatrice, en dehors du côté sportif, cela suppose un travail de longue haleine à terre. Ce sont des projets très lourds qui nécessitent des investisseurs, des sponsors et beaucoup de soutien moral. On peut dire qu’il y a dans mon activité une part de chef d’entreprise et une part d’animatrice, même si je suis avant tout navigatrice.

Au moment où j’ai lancé la construction du bateau, je n’avais pas un centime, j’étais sans emploi, j’avais 24 ans et aucun réseau dans le milieu de la voile. Je pense que c’est ce parcours un peu atypique qui a intéressé le PLIE lorsqu’ils m’ont proposé de réaliser des actions avec eux. Surtout qu’au-delà des spécificités liées à la navigation, mon métier implique des choses plus générales dont je peux témoigner lorsque je rencontre des adhérents du PLIE : la prise de risque, le montage d’une société, la gestion d’un chantier, la recherche de financements, la préparation physique, la gestion globale d’un projet depuis l’idée jusqu’à son aboutissement. L’idée du PLIE au départ, c’était d’utiliser mon témoignage pour faire passer un message auquel les personnes sont libres de s’identifier comme elles veulent.

Ma rencontre avec le PLIE date de 2009. Elle s’est faite par hasard, lors d’un petit déjeuner de la CCI sur le développement durable. Dans mon parcours, les rencontres ont été déterminantes et mon aventure est autant sportive qu’humaine, donc j’ai tout de suite accroché à la proposition du PLIE en me disant que cela m’apporterait certainement beaucoup, que je pourrais partager mon expérience avec des gens qui veulent réaliser un projet et qui ont juste besoin d’y croire.

Au début, c’était du pur témoignage sur mon parcours et ce qui en découle sur le plan psychologique : la confiance en soi, l’envie de se dépasser, l’envie de bien faire, la prise de risque mesurée… Ensuite on est allés plus loin avec l’utilisation du bateau, d’abord en participant à des régates organisées pour les entreprises, où nous avons pu mettre en avant le label Empl’itude avec des entreprises labellisées qui finançaient la participation du bateau. Après une première course organisée avec des représentants de ces entreprises, on a eu l’idée d’associer les adhérents du PLIE. On a donc monté des équipages mixtes qui regroupaient des bénévoles d’actions de parrainage, souvent des cadres dirigeants d’entreprises participantes, et leurs filleuls demandeurs d’emploi. L’idée étant qu’ils se rencontrent autrement, qu’ils s’associent à un but commun et puissent se découvrir dans l’action.

C’est une formule qui a tout de suite fonctionné ; rapidement, on a pu développer des systèmes de navigation avec des binômes marraine-filleule. D’abord, cela permet de passer un moment agréable, ce qui n’est pas négligeable pour la plupart des adhérents du PLIE. Mais surtout, les deux partenaires se retrouvent face à un environnement où les différences sociales ne comptent plus, où on est à égalité et où la collaboration est nécessaire. En terme de confiance en soi et de relation interpersonnelle c’est très important. Pour les marraines, cela leur permet souvent de découvrir leur filleule dans un autre cadre, où la barrière sociale et économique disparaît. L’échange n’est pas le même, tout le monde est plus détendu. Du coup, les personnes communiquent mieux, elles osent se dire des choses plus directes et plus franches. Et parfois, les rôles s’inversent, une filleule peut être amenée à aider une marraine ou à la motiver dans l’effort. Je pense que c’est vraiment une expérience intéressante pour tous.

Pour ma part, j’ai été très surprise par le dynamisme et l’énergie déployée par le PLIE pour faire aboutir ces actions. J’avais du monde de l’insertion professionnelle les préjugés qu’on peut avoir de l’extérieur, lorsqu’on est actif et occupé à autre chose. Je ne pensais pas trouver une équipe dont la volonté profonde est d’innover, d’être audacieux et d’aller contre les idées reçues, sur un terrain aussi difficile que celui de l’accompagnement des demandeurs d’emploi. Je ne connais pas les chiffres, mais je vois les résultats sur le terrain : c’est vraiment une démarche positive, qui créée des passerelles avec le monde de l’entreprise, produit une dynamique très forte autour de leurs adhérents et attire des dirigeants qui ont la volonté d’inverser le cours des choses, de produire de la réussite sociale. C’est rare, et c’est précieux.