Claude Fleurier

Je dirige une maison de retraite de quatre-vingts chambres depuis 1989. Notre partenariat avec le PLIE date de plus de quinze ans : à l’époque, on essayait d’obtenir des contrats emploi solidarité et les accompagnateurs du PLIE nous faisaient des propositions de placement. On avait toujours trois ou quatre personnes en contrat sur des périodes d’un an ; en tout, une trentaine de contrats en dix ans parmi lesquels nous avons recruté cinq personnes de façon pérenne. Puis à partir de 2003, nous sommes passés du secteur associatif au secteur commercial. Du coup nous n’avons plus recours à des contrats aidés puisque nos finalités sont un peu différentes.

Prendre en compte les aspects sociaux c’est établir une relation gagnant-gagnant

De cette époque où nous avions des contrats aidés, j’ai le souvenir de gens qui sont venus ici avec la volonté de trouver un travail, mais aussi de satisfaire l’entreprise. Je pense qu’on a tous été gagnant-gagnant : je dirais qu’en s’appuyant sur le PLIE, j’avais la certitude d’une garantie et d’un accompagnement dans le personnel mis à ma disposition ; en échange, j’étais « redevable » d’un retour vis-à-vis du PLIE, ce qui m’a amené à porter un regard plus attentif à ces personnes-là – quand on recrute de gré à gré, on ne se sent pas investi de cette mission. Par la suite, ils nous ont proposé de faire des évaluations en milieu de travail (EMT) et je suis intervenu plusieurs fois au PLIE pour parler des métiers d’aide soignant, d’auxiliaire de vie, d’agent des services hospitaliers… De mon côté, je poursuis toujours la collaboration avec le PLIE. On continue de faire des EMT et des recrutements à l’aide du PLIE ; par exemple, notre homme d’entretien a été recruté postérieurement à la reprise de l’établissement, vers 2007. Progressivement, il a obtenu un statut salarié, il est sorti de ce dispositif et aujourd’hui il est pleinement inséré.

Les actions du PLIE nous aident également à valoriser nos salariés. Il y a une certaine valorisation à montrer son métier, à expliquer quel est l’intérêt de ce que l’on fait. Un soignant qui accompagne une personne durant huit jours d’EMT connait un certain plaisir à montrer que les pratiques exercées sont des pratiques de soins, de respect de la personne âgée, de prise en charge. C’est valorisant de pouvoir dire : « Voilà ce que je fais, si vous voulez vous engager dans ce métier-là, essayez de suivre ces indications et de comprendre ce qui est essentiel ! » D’un autre côté, c’est responsabilisant puisqu’il s’agit aussi d’avoir un regard d’évaluateur, car la finalité de l’EMT c’est de pouvoir dire : Voilà ce dont la personne est capable et, le cas échéant, ce qu’il faut retravailler avec elle. C’est un aspect valorisant à la fois pour l’entreprise, pour les personnes en insertion, et pour les salariés qui accompagnent ces personnes en EMT.

La vocation de l’entreprise, c’est aussi d’accueillir pour former.

Pour nous, la vocation de l’entreprise c’est aussi d’accueillir pour former. Ce qui est intéressant dans l’évaluation en milieu de travail, c’est que l’entreprise accueille la personne comme un professionnel en devenir, et se responsabilise par rapport au fait qu’on lui confie quelqu’un en évaluation. C’est important de se dire qu’on est capable de donner du temps à l’accompagnement d’une personne pendant une ou deux semaines, de se demander quel retour pertinent lui faire pour l’aider à progresser. Je crois fortement à la mission de lieu d’accueil et d’évaluation de l’entreprise, et je crois que c’est une ouverture pour elle parce que de leur côté, les personnes vont faire un retour au PLIE en disant ce qu’ils ont ressenti dans l’entreprise, ce qu’ils ont vécu, ce qu’ils ont découvert, en positif comme en négatif. Je crois beaucoup à la valeur de cet échange. Même si le temps est relativement bref, je suis heureux, en tant que directeur, de pouvoir offrir un espace et du temps à des gens qui ont besoin d’un endroit où on va porter un regard juste sur leur capacités. Ca ne se refuse pas, dans la mesure où on a le temps et qu’on peut le faire. Jusqu’ici je suis en symbiose avec cet organisme, qui a toujours été un bon partenaire et qui l’est encore !

Ce que j’ai ressenti vis-à-vis du PLIE, c’est qu’il avait un rôle de “découvreur de talents” dans une population en nécessité sociale, chose que ne faisait aucun autre organisme. Je pense que pour ces personnes en situation précaire, le PLIE est une rampe de lancement formidable pour s’insérer, pour trouver un point de chute. Et aujourd’hui, les pouvoirs publics ont pris conscience de l’utilité sociale d’aider l’insertion de ces personnes, c’est une prise de conscience formidable.